Journée de l’Enfant Africain à San Pedro : des droits piétinés sous le soleil des marchés et des carrefours.

Alors que le continent célèbre la Journée de l’Enfant Africain, la réalité des enfants de San Pedro impose un regard lucide. Loin des discours officiels et des cérémonies symboliques, des centaines d’enfants vivent dans la précarité, l’indifférence, et parfois, dans l’abandon total.
Dans les marchés de la ville, de jeunes garçons tirent ou poussent des brouettes, souvent dès l’aube. Ils transportent des marchandises trop lourdes pour leurs bras encore fragiles. À chaque carrefour, des fillettes vendent de l’eau, du pain ou des mouchoirs, sous un soleil de plomb, exposées aux risques de la route, à la fatigue et aux abus.
Depuis quelques mois, un phénomène prend de l’ampleur : la mendicité infantile. Des enfants, parfois très jeunes, sollicitent la charité des passants du matin au soir, seuls ou encadrés par des adultes invisibles. Un autre phénomène, propre à San Pedro, inquiète également : les “enfants woyosseurs”, déscolarisés, livrés à eux-mêmes, vivant du ramassages de fèves de cacao dans aux abords des magasins de stockages de cacao et dans les camions venus décharger leurs contenus de cacao ou de débrouillardise dans les rues.
Malgré les engagements pris par la Côte d’Ivoire en matière de protection de l’enfance, les efforts semblent peiner à atteindre les enfants les plus vulnérables. Les lois existent, mais leur application reste limitée. Les ressources sont insuffisantes. Et les mécanismes de signalement ou de prise en charge, souvent inexistants ou défaillants.
Il existe pourtant à San Pedro une plateforme de protection de l’enfant, regroupant plusieurs acteurs institutionnels et associatifs. Mais faute de moyens, cette plateforme compte principalement sur l’engagement volontaire de ses membres. Elle constitue un cadre essentiel de coordination, qui mérite d’être renforcé et soutenu par les autorités locales et les partenaires techniques et financiers.

Dans ce tableau difficile, des initiatives méritent d’être saluées. C’est le cas de la Coalition des organisations d’enfants de San Pedro portée par l’ONG Charité Vie, composée de jeunes engagés dans la défense de leurs droits. Cette coalition mène des actions de sensibilisation sur le terrain, organise des émissions radios, participe à la commémoration des journées internationales et adresse des plaidoyers aux autorités pour une meilleure prise en compte des droits des enfants.
Leur engagement, leur courage et leur voix sont précieux. Ce sont eux, les enfants, qui nous rappellent avec force que leurs droits ne sont pas à négocier.
Cette Journée de l’Enfant Africain ne doit pas se limiter à des slogans. Elle doit être l’occasion d’un sursaut collectif à San Pedro.
Il faut :
– Identifier et accompagner les enfants en situation de rue,
– Réintégrer les enfants travailleurs dans le système scolaire,
– Renforcer la coordination entre services sociaux, écoles, ONG, et forces de l’ordre,
– Soutenir les plateformes de protection et les initiatives portées par les enfants eux-mêmes,
– Et surtout, écouter les enfants sur leurs besoins, leurs peurs, leurs rêves.
Les droits de l’enfant ne sont pas un luxe ni un thème de commémoration annuelle. Ils sont une urgence quotidienne. Et leur protection, une responsabilité collective.